Sur l’étagère dominant son chevet, dans la chambre du fond dite d’ami où elle s’installait durant les vacances, ma Sœur aînée, incestueuse et suicidée, avait soigneusement ordonné sept auteurs de sa prédilection en ces années 50 :
Pourquoi Kafka ?
Parce que c’est l’être le plus solitaire, le réel célibataire, lis les Entretiens avec G.Yanouch…
Pourquoi Faulkner ?
Parce que c’est le Balzac du XXe siècle, la Comédie de Yoknapatawpha, autrement dit humaine
Et Rilke ?
Le plus pauvre, le plus riche en ressources, qui s’agenouilla un jour pour baiser la main de sa propriétaire…
Et Hölderlin ?
Celui qui a dit : je ne comprends rien aux mœurs des hommes
S. Weil ?
La Sainte, la haine de toutes frivolités, un Evangile moderne : La pesanteur et la Grâce
Quant à Blanchot…
L’irremplaçable de l’époque, sans lequel d’autres de ma génération ne seraient, B. Noël, Quignard
Mais Valéry ?
Le Sceptique, le déniaiseur avant Cioran, après Nietzsche, l’anti-Gide sentimental et romanesque
Cela signifiait : cela te suffit ? Maintenant sors de la chambre. Ou va lire tes Cohen ou Lévinas…
Dossier
Jude Stefan
J’y place mes livres
juillet 2000 | Le Matricule des Anges n°31
| par
Xavier Person