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Tremblements de père
Lmda N°242 Le premier roman d’Isabelle Blochet raconte le quotidien sous tension d’une famille dans les années 70. Est-il autobiographique, ce beau premier roman signé Isabelle Blochet ? C’est bien possible, oui, si on recoupe les quelques éléments personnels à notre disposition concernant cette bibliothécaire née en 1969 dans l’Oise, avec le récit des tensions qui minent, durant les années 70, la vie d’une famille de la classe moyenne installée en grande banlieue parisienne. À l’origine du mal-être...
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Domaine étranger Danilo Kiš, la grâce de la forme La première biographie de l’écrivain yougoslave paraît enfin en français. L’occasion de (re)découvrir l’œuvre de l’un des plus grands auteurs européens disparu en 1989, « métaphore de la nostalgie » d’un pays disparu. Né en 1935 d’un père juif hongrois et d’une mère monténégrine à la frontière de la Hongrie et de l’ex-Yougoslavie, Danilo Kiš vit une enfance marquée par l’antisémitisme et les déménagements pour tenter d’échapper à la persécution et au génocide. Son père survit à un massacre de juifs à Novi Sad en 1942, mais il est déporté et, comme le dira l’auteur, « disparaît » à Auschwitz deux ans plus tard avec une grande partie de sa famille. Baptisé...
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Domaine français Riches ruches Pour Patrick Cloux, apiculteur amateur, un rucher est source d’inspiration et de méditation. Les lunettes que porte Patrick Cloux sont rouges et pourtant il voit la vie en bleu, couleur de la peinture de ses trois ruches. À les voir ainsi peinturlurées, l’ancien libraire, auteur d’une quinzaine d’ouvrages (sa prose a essaimé chez une demi-douzaine d’éditeurs), se croirait en Grèce. Une ruse chromatique pour « voyager à moindre frais », s’amuse-t-il. Ces ruches qu’il a récupérées auprès d’un paysan qui s’en séparait, il s’en occupe...
Chronique
En grande surface
En grande surface
par Pierre Mondot
Modernitude
Conséquence de l’audit réalisé à l’hiver par un cabinet de conseil anglo-saxon, l’antépénultième du Matricule passe désormais sous le régime de l’alternance. Face au succès grandissant de la revue, la rédaction invoque la nécessité de voix plurielles et l’ouverture au public racisé. Soit. On suspecte pourtant derrière ce tournant inclusif un objectif plus insidieux : ringardiser cette chronique. Qu’à cela ne tienne, pour preuve qu’on reste ingambe (et parce qu’il nous manque des annuités), on commentera pour février un livre bath. Le prix de Flore, par exemple, qui distingue « un jeune...
Le Matricule des Anges n°240

un auteur
James Baldwin
Chronique
Traduction
Traduction
Françoise Antoine*
Dette d’oxygène, de Toine Heijmans
C’est en février 2021 que je lis, à la demande d’un éditeur français, le roman néerlandais de Toine Heijmans Dette d’oxygène. D’emblée, je suis conquise par ce roman d’alpinisme et en recommande vivement la traduction. L’écriture est entraînante, hypnotique, rythmée par des répétitions qui scandent le pas du narrateur escaladant sa dernière montagne. La solitude est totale. Le silence aussi. On n’entend que le sang qui bat à ses tempes – « la gigantesque machinerie de (ses) deux cents os et cinq organes vitaux tremble et claque comme un navire surtoilé ». Le héros ne va pas bien, il va...
Le Matricule des Anges n°240
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Domaine étranger La littérature comme dissidence À travers des personnages consumés par la littérature, l’écrivain chilien Alejandro Zambra raconte l’utopie discrète d’une génération qui a grandi sous la dictature. Ou comment un pays peut avoir la poésie pour diapason. La raison d’être des deux premiers textes d’Alejandro Zambra, Bonsaï (2006) et La Vie privée des arbres (2007), était l’image de cet arbre qu’on empêche de grandir. Ses livres sont et ne sont pas des romans. Comme un bonsaï, comme un poème, ils ont été taillés jusqu’à leur plus simple expression, et tous deux se lisent en moins d’une heure. Son troisième, Personnages secondaires (2011), est un « antiroman historique » à peine plus long....
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Poésie L'énorme densité de presque rien Avec sa poésie de plain-pied, son phrasé parlé et sa façon de vivre-écrire, James Sacré fait du poème la présence même. Précieux le nouveau volume de poche/poésie des éditions du Castor astral. Il permet de (re)découvrir tout ce qui fait le prix et la saveur des textes de James Sacré. Dédié au peintre et dessinateur Yvon Vey, il reprend des poèmes presque oubliés accompagnant les dessins de ce dernier, mais aussi des textes écrits dans la compagnie des photographies de Bernard Abadie. Ces rééditions de livres dus à des rencontres « qui nous échappent en se...
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Histoire littéraire Électrochocs Avec L’Antivoyage, Muriel Cerf (1950-2012) nous emmène dans une Asie aux mille visages. Et au plus loin des circuits touristiques. Au cours du XIXe siècle, le voyage en Orient fut une tentation à laquelle ont succombé de nombreux écrivains : Chateaubriand tout d’abord, rapidement imité par Lamartine, Nerval, Flaubert puis Gautier. Pour chacun d’eux, ce périple avait les allures d’un pèlerinage, dont la raison d’être n’était pas seulement géographique : on se rendait alors en Orient avant tout pour se découvrir. Presque un demi-siècle après Hermann Hesse (qui céda lui...
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Théâtre Mourir d'aimer ? Gérard Watkins dresse un implacable réquisitoire contre les violences faites aux femmes. Cela commençait bien pourtant. Deux belles histoires d’amour. Liam rencontre Rachida par hasard, devant la porte fermée d’un immeuble de banlieue. Il est un jeune qui galère, comme on dit, issu d’un milieu peu favorable, et pour qui quand il y a un problème, il faut être expéditif : « quand c’est des fils de pute y’a pas à gérer – en face des fils de pute y a juste à les défoncer. » Après une énième baston, il voudrait se faire héberger par...
Égarés, oubliés
par Éric Dussert
Supporter les barbares
Princesse instruite de Constantinople, Anne Comnène fomenta un coup d’État et rédigea une impressionnante chronique du règne de son père l’empereur Alexis Ier.
On n’avait pas eu l’occasion jusqu’ici d’accueillir en ces pages une princesse, originaire de Byzance en particulier. C’est la parution du dictionnaire consacré par Bruno Dumézil et son équipe aux Barbares (voir page 8) qui nous a ouvert l’esprit et l’appétit. Non qu’une pointe d’anthropophagie nous submerge, c’est bel et bien la personnalité d’Anne Comnène – on ne la confondra pas avec Marie-Anne Comnène (1887-1978), l’épouse romancière de Benjamin Crémieux. La personnalité de la princesse byzantine et l’intérêt de son écrit qui déborde lui aussi d’atouts séduisants.
Née le 2 décembre...
Le Matricule des Anges n°176