La rédaction Emmanuel Laugier
Articles
Un livre
Allez le dire à l’empereur
de
Pierluigi Cappello
Un couteau dans la vallée
Avec Allez le dire à l’empereur, Pierluigi Cappello (1967-2017) nous donne à entendre l’usure et l’endurance d’un siècle fissuré par les blessures.
Pierluigi Cappello a 16 ans lorsqu’il accompagne un ami sur sa moto, comme tout adolescent gagne un peu de liberté grâce à ces machines dans ces vallées peu desservies du Frioul (ici celle de la province d’Udine). Pour quelques minutes, sa vie basculant sur cette route qui se coupe d’un coup comme un couteau pour eux deux. Son ami en meurt, lui se retrouve paraplégique. La lecture est vite pour lui un véritable tourbillon par quoi la sensibilité se densifie : à 12 ans La Chanson de Roland lui révèle sa précoce vocation de « sognatore » (rêveur) ; plus tard, à la fourche de deux branches...
L’ire des vents
Avec Rives de goudron, le poète Philippe Blanchon poursuit une traversée maritime dont les géographies, éparses, ajoutent au rêve d’une musique, pourtant sans consolation.
Rives de goudron, dixième opus du très discret poète Philippe Blanchon, est un livre labyrinthique, dans lequel les embardées déjouent la narration menée en ses huit fugues. Narrations plurielles d’ailleurs, mais toutes comme éventrées de l’intérieur, ou avalées par la même baleine qui avala Jonas. C’est qu’en ses fugues, dont le sens est autant musical qu’elles signifient aussi la fuite et...
Un livre
Europe N°1129
(Gerard Manley Hopkins / Stig Dagerman)
La hache d’Hopkins
Le poète anglais ouvre dans l’Europe de la fin du XIXe siècle, par la pratique d’un vers au « rythme abrupt », une modernité qu’il sera le seul à incarner contre l’ordre dominant de son époque.
Plus de vingt ans après les deux rééditions majeures de Gerard Manley Hopkins, celle du choix que firent Hélène Bokanowski et Louis-René des Forêts des Carnets, pages de journaux et lettres (William Blake & co, 1997) et de Grandeur de Dieu (traduit par Jean Mambrino – Nous, 1999), la revue Europe revient vers Hopkins. Il n’est pas anodin que les éditeurs et poètes Jean-Paul Michel et Benoit...
Un auteur
L’épars et l’indivisible
Le volume des Œuvres poétiques d’Yves Bonnefoy, décidé et conçu par lui-même de son vivant, nous donne l’occasion d’évoquer en onze questions croisées entre le poète Alain Freixe et Alain Madeleine-Perdrillat, historien de l’art, l’intensité et la probité de sa démarche poétique.
Lecteurs de longue haleine l’un et l’autre d’Yves Bonnefoy, Alain Freixe et Alain Madeleine-Perdrillat donnent chacun ici à entendre ce que cette poésie a ouvert, depuis le tout début des années 50 jusqu’au quart du XXIe siècle. Ce à quoi elle s’est tenue avec une fidélité rare est leçon d’une émotion telle que Pierre Reverdy l’entendait. Pour Freixe, elle est exemplaire d’une éthique que...
Un auteur
L’imperfection est la cime
La parution des Œuvres poétiques d’Yves Bonnefoy permet de prendre la mesure de la cohérence impressionnante d’un trajet, d’un élan, dont le vœu fut que la transparence vaille dans « des phrases qui soient comme une rumeur d’abeilles », ou comment l’exercice de la poésie peut ouvrir au don d’une autre clarté.
L’œuvre d’Yves Bonnefoy, presque sept ans après sa disparition (le 1er juillet 2016), s’impose à nous aujourd’hui avec une évidence encore plus accrue que celle partagée de son vivant par ses nombreux lecteurs. Celle-ci, sans impatience ni prétention, marque à partir des années 1950, dans la compagnie des poètes Philippe Jaccottet, Jacques Dupin et André du Bouchet, la poésie française qui...