La rédaction Emmanuel Laugier
Articles
Un livre
Allez le dire à l’empereur
de
Pierluigi Cappello
Un couteau dans la vallée
Avec Allez le dire à l’empereur, Pierluigi Cappello (1967-2017) nous donne à entendre l’usure et l’endurance d’un siècle fissuré par les blessures.
Pierluigi Cappello a 16 ans lorsqu’il accompagne un ami sur sa moto, comme tout adolescent gagne un peu de liberté grâce à ces machines dans ces vallées peu desservies du Frioul (ici celle de la province d’Udine). Pour quelques minutes, sa vie basculant sur cette route qui se coupe d’un coup comme un couteau pour eux deux. Son ami en meurt, lui se retrouve paraplégique. La lecture est vite pour lui un véritable tourbillon par quoi la sensibilité se densifie : à 12 ans La Chanson de Roland lui révèle sa précoce vocation de « sognatore » (rêveur) ; plus tard, à la fourche de deux branches...
Le mouvement sans hâte du poulpe
Les lignes de sorcières des livres de Pierre Alferi dessinent un art du déplacement. écrire devient une façon d’inventer une autre grammaire.
Qu’est-ce qui commence ainsi l’estomac des poulpes est étonnant/ Si ce n’est un livre une lettre/ Madame l’estomac des poulpes est étonnant le saviez-vous ? » L’incipit de L’Estomac des poulpes est étonnant (L’attente, 2008) est une entrée nette dans l’univers de Pierre Alferi. Il appelle le devenir-poulpe, bras étalés, avancer ou reculer, sans hâte, se déplacer rapidement par propulsion...
L' Île rebelle de Collectifs
Il manquait à la poésie britannique du XXIe siècle une anthologie, aussi complète que le furent les Matières d’Angleterre (In’hui, 1984) en leur temps. C’est chose faite grâce à Martine De Clercq et au poète Jacques Darras qui ont réuni ici un vaste choix, dont le mérite consiste à croiser les différents traits (bigarrures et unité) que la poésie anglaise donne à sentir à travers son...
Manœuvre de pelle et de pioche
Toute la vie, première traduction du poète tessinois Fernando Grignola, révèle quelle attention sa poésie portait aux pauvres, à l’économie du peu, aux gestes frugaux et néanmoins essentiels à toute existence vraie.
C’est un miracle que de voir paraître de tel livre. Toute la vie est lui venu de l’écrin tessinois (et plus particulièrement de la région du lac Lugano) résonner aujourd’hui dans nos mains tel le froissement odorant d’une gerbe de foin. Bien que lauréat du grand prix Schiller en 1998, qui, de l’autre côté des Alpes, aura entendu la voix de Fernando Grignola (écrite dans le dialecte de...
Frères, qui après nous vivez…
Avec Erre, ultime opus posthume, Antoine Emaz (1955-2019) fait dépôt d’un livre dont chaque date, comme un point vibrant, dit ce qui reste à vivre hors l’impossible instant de mort.
Erre a été écrit du 7 juillet 2018 au 21 septembre 2018, corrigé par deux fois, à l’exception de la dernière série de poèmes. Ce couloir de temps restreint où le livre s’engouffre, Antoine Emaz l’a suivi sachant qu’il se rétrécirait à mesure, logiquement, comme une vie s’amenuise et s’altère. Le cancer, qu’il ne cacha pas, la résistance qu’il ne cessa de déployer pour lui faire face, ne se...