Les récits sur l’Holocauste et les camps de concentration nazis abondent. Depuis Si c’est un homme de Primo Lévi, il est bien difficile de se faire sa place dans ce qu’il est convenu d’appeler la littérature concentrationnaire, de plus si la mémoire a été remplacée par la fiction. Pourtant Maria Angels Anglada (1930-1999) sait apporter sa touche personnelle. Plutôt que de suivre l’itinéraire biographique d’un prisonnier, de l’arrestation à la mort ou à la libération, elle a choisi de conter l’histoire d’un violon. En effet c’est d’abord sa musicalité exceptionnelle qui frappe le narrateur, lui-même concertiste. Nous sommes après la guerre et la rencontre qu’il fait de la virtuose entraîne un récit emboîté : celui de Daniel, sommé par le commandant du camp d’Auschwitz de fabriquer un violon alors qu’il a imprudemment pris la parole pour défendre le musicien dont l’instrument faiblissait : il ne s’agissait que d’une réparation qu’il sut faire. Alors Daniel bénéficie d’un atelier, d’un régime de faveur, jusqu’à ce que son angoisse redouble lorsqu’il apprend qu’il est l’objet d’un pari. Parviendra-t-il à fabriquer le violon rêvé dans le temps mystérieusement imparti, mais aussi parmi les épreuves du froid, des coups et des sélections pour la chambre à gaz qui l’environnent ? Nous laisserons le lecteur deviner la fin de cette histoire, entre hauteurs de l’art et pires bassesses de la tyrannie…
Maria Angels Anglada est une auteure parmi les plus prestigieuses de la littérature catalane contemporaine. Romancière, essayiste et poète, elle sait visiblement écrire avec justesse, même si les quelques pages intercalées de règlement des camps ou de procès verbaux ont ici une utilité discutable. On ne prétendra pas que ce court roman qui a le mérite de la concision frappe par la richesse de son écriture, cependant la qualité d’émotion est grande, comme s’il ne restait de tous ces morts, pour les dire, que la qualité sonore et la musicalité d’une œuvre d’art, à la fois instrument fabriqué avec amour par le luthier et sonates qui traversent les générations.
Le Violon d’Auschwitz de Maria Angels Anglada - Traduit du catalan par Marianne Million, Stock, 144 pages, 16 €
Domaine étranger Au-delà des murs
juillet 2009 | Le Matricule des Anges n°105
| par
Thierry Guinhut
Un livre
Au-delà des murs
Par
Thierry Guinhut
Le Matricule des Anges n°105
, juillet 2009.