Geneviève Briand-Lemercier suit assidûment les cours d’Astrologie Transcendantale professés par la prestigieuse Madame Bertrand, qui pour être de cinq ans sa cadette, n’en a pas moins acquis ainsi le droit de régenter sa vie. Or les horoscopes tant occidentaux que chinois de Geneviève sont formels : elle se doit pour atteindre son vœu de longévité qui se meut peu à peu en délire d’Immortalité de « désécrire » c’est-à-dire faire disparaître les « caractères » lettres ou personnages ? qui peuplent ses cahiers. Ce qui n’est pas une mince affaire quand on a, comme elle près de 91 ans, et que l’on s’efforce d’écrire chaque jour depuis trois quarts de siècle. Cahiers où sont recensés pêle-mêle souvenirs d’enfance, fiançailles et mariage sous la haute surveillance d’une mère castratrice, années de guerre et d’occupation, et la rencontre avec la féministe Claudine sa compagne de fin de vie, rendant vivant les menus aspects de la vie quotidienne et ce destin de femme du siècle. Geneviève « navigue à l’aveuglette entre écriture et désécriture » jusqu’au jour où, à force de persévérance dans l’étude de la spécialité de Madame Bertrand, l’élève dépasse le maître et découvre la « vraie » voie pour atteindre son but. Pourquoi ne pas aller droit au but et fomenter la disparition pure et simple de ces « caractères » du moins ceux qui sont encore vivants ? Dans ce roman élégant, humoristique et fondamentalement pas correct, Michel Arrivé, linguiste et romancier, ravive la question troublante de l’écriture et de ses enjeux : qui y a-t-il en premier, la lettre ou les êtres ?
Une très vieille petite fille de Michel Arrivé, Éditions Champ Vallon, 246 pages, 18 €
Domaine français Vieille femme indigne
septembre 2006 | Le Matricule des Anges n°76
| par
Lucie Clair
Un livre
Vieille femme indigne
Par
Lucie Clair
Le Matricule des Anges n°76
, septembre 2006.