La rédaction Jérôme Delclos
Articles
Une marque allemande
De sa dérive urbaine sur fond de prostitution, Emmy Hennings (1885-1948) tire une brûlante quête de soi. Rude et mystique.
Au XVIe siècle sur le parvis d’une église espagnole, la prieure Thérèse d’Avila fit scandale en haranguant ses Sœurs aux mots de « Nous sommes les putains du Christ ! ». Elle avait fugué du foyer familial à 7 ans dans l’idée très romanesque de « se faire décapiter par les Maures », une seconde fois à 18 pour rejoindre un carmel mondain et peu cloîtré. Prostituée dans la Prusse de 1911, la jeune Emmy, pionnière du dadaïsme, elle aussi fugueuse à 18 ans mais pour suivre une troupe de théâtre ambulant, est une semblable rebelle. Et le début de son « Tagebuch » – un journal – attaque fort lui...
Sans que la nuit remue
Se confrontant à l’ignominie des bourreaux, Jean-Michel Espitallier nous offre un grand moment éthique de littérature.
Nul écrivain averti ne touche à l’ignoble sans trembler. C’est qu’il voit bien les pièges auxquels s’expose le récitant du meurtre de masse, de la torture et du viol érigés en système : le pathos facile, le voyeurisme, une esthétisation pour le moins déplacée. L’obscène. En ces parages, le beau style lui-même est suspecté ; l’auteur se regarde écrire, et c’est juché sur une pile de cadavres...
Soixante-cinq rêves de Franz Kafka de Félix Guattari
Deleuze et Guattari revendiquaient l’effacement de leurs noms d’auteurs respectifs, et de ne plus être considérés comme deux ni même un (« Deleuze-Guattari »), mais comme la somme infinie de leurs « multiplicités ». Ironie de l’histoire, les livres qu’ils ont écrits ensemble sont le plus souvent cités sous le nom de Deleuze qui aura éclipsé celui du trop discret Guattari. Aussi peut-on louer...
À l’école des sorciers
Le Monde magique de l’Italien Ernesto De Martino (1908-1965), où l’homme est en permanence confronté au risque de la « fin du monde », est un livre fondateur pour les sciences humaines. À découvrir avec sa spécialiste et traductrice Giordana Charuty.
En 2016, le lecteur français découvrait grâce à trois chercheurs, Giordana Charuty, Daniel Fabre, Marcello Massenzio, et une équipe de traducteurs, une somptueuse édition par l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de La Fin du monde. Essai sur les apocalypses culturelles, chef-d’œuvre inachevé d’Ernesto De Martino. Un auteur bien connu en Italie mais quasiment ignoré du grand...
Des livres
Braves d’après
de
Anton Beraber
Celles d’Hébert
de
Anton Beraber
L’audace d’Anton
Les deux nouveaux romans d’Anton Beraber donnent à lire bord à bord la grande langue dans sa bravoure. Coup double.
On attend toujours au tournant l’auteur d’un premier livre encensé. Quatre ans après La Grande Idée, qui reçut le prix Valery-Larbaud, Anton Beraber sort enfin du bois avec non pas un mais deux seconds romans, Braves d’après et Celles d’Hébert. Tout comme chez Céline, Cingria ou Michon, la grande affaire de l’écrivain reste la phrase : travail d’atelier, exemplairement artisanal, où se rabote...