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Vents violents
Lmda N°247 Troisième roman du Québécois Kevin Lambert qui ausculte les états d’âme des élites prises dans une tempête médiatique. De toute évidence, c’est une femme puissante. Elle se voit comme « une reine-philosophe » au sein du club très fermé, et bien trop masculin, des architectes internationalement reconnus. Oui, c’est peu dire que Céline Wachowski, à la tête des Ateliers C/W sis à Montréal, a réussi dans la vie. Le fait qu’elle ait sa propre série sur Netflix vaut d’ailleurs consécration suprême, adoubement...
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Domaine étranger Ne pas demander la lune On peut hésiter à embarquer sur La Mer de la tranquillité, récit d’anticipation sophistiqué mais dépourvu d’invention. La Canadienne Emily St. John Mandel s’est d’abord illustrée par des sortes de romans noirs, histoires dans le brouillard, personnages qui se croisent mystérieusement, questionnements existentiels plus que policiers, entre enquête et dérive ; puis dans un autre genre, mais selon une manière analogue, par Station Eleven (2014), best-seller bardé de prix et adapté en série, où l’on suivait l’errance d’une troupe d’acteurs et de musiciens dans...
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Domaine français Quand la fiction court après l'orgasme Mariant l’insolence à l’incongru, le nouveau livre de Tristan Felix – un pseudonyme qui associe tristesse et aspiration au bonheur – illustre une forme de littérature qui transcende et transgresse tout à la fois. Les micmacs, de la fermentation, des minuties et des sordidités, des situations aussi burlesques qu’imprévisibles, une langue au crépitement rieur, au verbe délirant et joyeux, il troubillonne – pour parler comme l’auteure – cervelle et écriture le nouvel opus de Tristan Felix, une poète qui publie en vers comme en prose, dessine, chante, photographie ou fabrique des vidéos clownesques où elle incarne une inquiétante Auguste trash et...
Chronique
En grande surface
En grande surface
par Pierre Mondot
Raison de la critique
Tiphaine Samoyault, feuilletoniste du Monde des livres, consacre sa tribune à Michel Bussi. Il fallait s’y attendre : avec l’allongement de la durée légale du travail, chacun désormais s’économise. Un voyage, écrit-elle, « dans un monde enchanté où un roman fait vendre beaucoup de livres. » C’est Balladur dans le métro. Ou Macron à Rungis (Bonjour, comment ça va ?). Elle en revient enthousiaste : « On ne s’ennuie pas », « rythme haletant », « très divertissant ». Autant d’énoncés qui ne manqueront pas d’être prélevés pour fleurir les prochains encarts publicitaires du bonhomme. Bussi,...
Le Matricule des Anges n°242

un auteur
Max Porter
Chronique
Traduction
Traduction
Charles Bonnot *
Fuck Up, d’Arthur Nersesian
Tu aurais le temps pour une trad à rendre en février ? Je crois que le texte pourrait te plaire.
– Je devrais pouvoir m’organiser, c’est quoi ?
– Ça s’appelle The Fuck-Up, d’Arthur Nersesian. C’est sorti en 1991, c’était son premier roman, il a été racheté par MTV Books puis il a un peu disparu des radars, il est quasiment introuvable aujourd’hui. Ça se passe à New York dans les années 80, c’est bien déglingué et assez mélancolique, tu le lis et tu me diras ce que tu en penses ? »
Je l’ai lu, j’ai dit ce que j’en pensais et je me suis organisé. Pourquoi ?
Parce que bien évidemment...
Le Matricule des Anges n°245
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Domaine étranger Faces contre terre Deux siècles d’histoires d’une lignée sur fond de changement climatique, c’est l’ambitieux premier roman de l’Américaine Erin Swan. Espérons que ce roman riche et incroyablement captivant sera le premier d’une longue carrière pour une autrice dont le talent et l’imagination lui permettent d’écrire tout ce qu’elle veut. » C’est le New York Times qui l’écrit et c’est ce qu’on appelle un baptême en bonne et due forme, un adoubement au champagne. Contredira-t-on le prestigieux quotidien américain ? No way, tout est rigoureusement vrai dans son appréciation. En revanche on...
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Poésie Chercher la petite bête Deux livres explorent la nature et la vie poétique qui la peuple pour y dénicher quelques remarquables spécimens. Les hasards du calendrier éditorial ont fait choir sur la table du rédacteur consentant deux opuscules ne dépassant pas la cinquantaine de pages, des plaquettes en vérité, qui vont piocher dans la faune et la flore la matière poétique de textes qui tiennent du haïku ou de la brève esquisse. Si les Nouvelles notes sur les noms de la nature (qui font suite à un premier opus publié il y a six ans), de Philippe Annocque ont des fausses allures...
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Histoire littéraire Quelque chose d'elle Un court mais dense inédit de Julien Gracq, cristallisation magistrale de ses grands thèmes. La Maison, selon ses éditeurs, a dû être écrit « entre 1946 et 1950 », soit après la parution d’Un beau ténébreux et avant celle du Rivage des Syrtes. Foin des génuflexions devant le reliquaire, les « deux états successifs du manuscrit » ajoutés à l’imprimé ne lui apportent rien. Au mieux, en regard du brouillon mal lisible, a fortiori dans un format semi-poche, sa mise au propre ou « second état » illustre ce que Gracq confiait dans ses...
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Théâtre L'écologie comme condition Théâtre/Public passe le spectacle en revue et interroge les rapports qu’il entretient avec son environnement. En 1974, Bernard Sobel, alors directeur du Théâtre de Gennevilliers, crée la revue Théâtre/Public. Une revue trimestrielle qui, comme son nom l’indique, se destine à entretenir le débat entre le théâtre, tout ce qui touche au théâtre, aussi bien dans ses choix artistiques que dans ses pratiques, et le public entendu au sens large, celui qui va ou pourrait aller au théâtre. Une revue exigeante, documentée, qui ne pratique ni les brèves ni les...
Intemporels
par Didier Garcia
En eaux troubles
Dix nouvelles de l’écrivain Uruguayen Felisberto Hernández (1902-1963), pour se perdre au-delà du réel. Une expérience fascinante.
Il y a quelques étés déjà, j’ai commencé à me dire que j’avais dû être un cheval. À la tombée de la nuit cette pensée revenait en moi comme sous un hangar de maison. À peine avais-je couché mon corps d’homme que mon souvenir de cheval se mettait à trotter. »Ainsi commence la huitième nouvelle du recueil, intitulée « La femme qui me ressemblait ». Un incipit pour le moins déroutant, et qui dérouterait sans doute davantage si le lecteur ne s’était déjà rendu familier l’univers si singulier de Felisberto Hernández.
Chacune des dix nouvelles du recueil (en réalité : une anthologie de textes...
Le Matricule des Anges n°191