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Théâtre La colère immatriculée

juillet 2022 | Le Matricule des Anges n°235 | par Laurence Cazaux

Avec son Opéra, l’écrivain haïtien Jean D’Amérique révoque « le destin de poussière » des oubliées de l’Histoire.

Poète, romancier, dramaturge, Jean D’Amérique, né en 1994 à Haïti, est devenu la figure de proue de la nouvelle génération d’écrivains de son pays. Il dédit son Opéra poussière « A la mémoire de Sanite Bélair, résistante anticolonialiste haïtienne, assassinée par les colons français en 1802 », à l’âge de 21 ans. Elle s’était engagée dans l’armée révolutionnaire où elle avait gravi des échelons jusqu’à devenir lieutenante. Une fois capturée par les Français, elle a été fusillée en public. Peu de temps après, en 1804, Haïti se libérait, devenant le premier peuple noir libre du Nouveau Monde, à la suite des premières révoltes d’esclaves réussies du monde moderne. De cette période historique, les pères fondateurs, comme Toussaint Louverture, ont été glorifiés. Les femmes, elles, ont eu tendance à être oubliées. C’est pour sortir de l’oubli cette figure de la résistance que Jean D’Amérique écrit sa pièce.
Le texte démarre au royaume des morts, avec une première séquence : « Demande de soleil à l’ambassade des ossements ». Une voix se déplie lentement, une voix en colère qui cherche à « se barrer d’ici ». Pour Jean D’Amérique : « Dans l’écriture du théâtre, j’essaie toujours de donner existence à des personnages par la parole. Ce sont souvent des êtres qui sont aux prises avec le silence, avec les ténèbres, qui essaient de prendre la parole pour exister, pour devenir vivant. Dans la pièce, pour Sanite Bélair, il y a cette voix qui revient d’outre-tombe et qui va revenir nous hanter. Dans ce réveil de la poussière, j’ai utilisé beaucoup d’éléments de la mythologie vaudou haïtienne pour créer cette ambiance-là : la nuit, la poussière, pour aller tirer cette voix de cet espace abyssal. » La voix va adresser une requête à Baron Samedi, le patron des morts. Elle demande un visa pour combattre le silence et l’oubli qui règnent chez les vivants. Le visa accepté, elle va rôder comme une ombre et choisit de faire le buzz sur les réseaux sociaux avec cette déclaration : « Me voici, Sanite Bélair. Haïtienne. Résistante anticolonialiste. Marre d’être toujours, parce que femme, un personnage secondaire de l’Histoire. Je réclame ma place sur le Champs-de-Mars, au côté des “pères” de la nation haïtienne ! #HéroïneEnColère. » En parallèle justement, sur la plus grande place publique de Port-au-Prince, les héros de l’indépendance immortalisés en statues s’ennuient ferme. Ils sont fatigués des dépôts de gerbes de fleurs à leurs pieds depuis plus de deux cents ans. Ils aimeraient eux aussi retrouver leurs sœurs, « ça vaut plus que les fleurs ».
Jean D’Amérique s’amuse à créer un troisième espace, un plateau de télévision où s’enchaînent des interviews sur l’engouement créé autour de Sanite Bélair. Les séquences s’enchaînent, mêlant humour, dénonciation, colère, révolte, surnaturel, défilé carnavalesque. C’est lyrique, baroque, politique. Et la langue de Jean D’Amérique nous embarque. Pour lui, la poésie est la matrice de tout geste d’écriture, c’est la veine solaire de la langue.
La pièce se termine par un monologue de Sanite Bélair à son peuple, une harangue poétique, un hymne à tous les oubliées dans les combats : « je suis la dernière génération / des cadavres en vacances / j’ai fini mon temps de silence / je révoque mon destin de poussière (…) / la vie m’appelle à me réveiller du tombeau de l’oubli / pour réécrire mon odyssée / pour défoncer les portes de l’Histoire / que les hommes m’ont fermées depuis si longtemps / renaissance / un poème flambant neuf / immatricule ma colère (…) / et vous enfants du pays / qu’avez-vous fait de ma mort / qu’avez-vous fait de ma mémoire »
Une pièce à lire et à découvrir cet été à Avignon. Opéra poussière, lauréate du prix RFI Théâtre 2021, est programmée dans le cycle « Ça va, ça va le monde ! » le 15 juillet dans le jardin de la maison Jean Vilar.

L. Cazaux

Opéra poussière
Jean D’Amérique
Éditions Théâtrales, 48 pages, 9

La colère immatriculée Par Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°235 , juillet 2022.
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