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Poésie Pizarnik, les mots de l’extase

juin 2022 | Le Matricule des Anges n°234 | par Emmanuelle Rodrigues

Œuvres donne à découvrir une créatrice hantée par son désir d’exigence et son obsédante quête de vérité.

Voici réunis en un seul volume les écrits poétiques Alejandra Pizarnik, née à Buenos Aires, en 1936. Issue d’une famille juive émigrée d’Europe de l’Est, elle s’empressera de la quitter pour séjourner au début des années 1960 à Paris, puis en 1968, à New York. De retour dans sa ville natale, elle y décédera en 1972. Elle aura conçu cependant sept recueils, publiés de son vivant, de 1956 à 1971, d’une incroyable modernité. De la parution de La Dernière Innocence à celle de L’Enfer musical, il n’aura fallu qu’une quinzaine d’années pour que l’une des œuvres les plus singulières de la poésie argentine du XXe siècle se constitue. Intense et vitale, telle est l’expérience hors norme portée par Alejandra Pizarnik. Celle-ci n’aura eu de cesse d’œuvrer à une diversité de textes, sous forme de poèmes et de proses. Cependant, le « je » omniprésent qui s’affirme et s’affine, n’en mène pas moins une lutte incessante, et comme une mise à mort de soi, quasi rituelle. De l’influence surréaliste à celle des plus grands auteurs, la confrontation permanente en devient une manière d’attiser l’écriture, d’en exiger non la formulation d’affects, mais leur transfiguration la plus radicale qui soit. Les mots aiguillonnent l’angoisse, attise la souffrance et le silence laisse sourdre une ironie constante, si ce n’est un humour très sombre.
En avril 1962, Octavio Paz préfacera Arbre de Diane, troisième ouvrage incandescent et visionnaire. « Arbre de Diane, écrit-il, reflète ses rayons et les réunit en un foyer central appelé poème, lequel produit une chaleur lumineuse capable de brûler, de dissoudre et même de volatiliser les incrédules. » Pizarnik y compose de courts poèmes, donnant lieu à des images, usant de mots qui n’en restent pas moins « comme des pierres précieuses/ dans la gorge vive d’un oiseau pétrifié ». Ou encore ce sont « os qui brillent dans la nuit ». Cette quête d’une réalité à naître et appelée à se dire tend à n’être qu’une évidence inatteignable : « tu as terminé seule/ ce que nul n’a commencé ». Corrélativement à une expérience intérieure d’une totale lucidité, paradoxes, oxymores, aphorismes laissent affleurer questionnements, puis doutes. En 1965, Les Travaux et les nuits en témoigne. Au cœur du labyrinthe qu’est le langage, en une « pure errance », la folie y fait face à l’innocence de la parole. Développant la métaphore de l’oiseau, la voix de l’écrivaine s’affranchit et se libère. Et tel le phénix renaissant de ses cendres, les mots reconquièrent leur agir. Ce quatrième livre met au jour plus que jamais cet accomplissement poétique : « J’ai déployé mon état d’orpheline/ sur la table, comme une carte. (…) Et j’ai bu des liqueurs furieuses pour transmuer les visages/ en un ange, en verres vides. » Écrit en 1968, Extraction de la pierre de folie s’en tient à ce constat : « C’est la musique, c’est la mort que j’ai voulu dire en des nuits variées comme les couleurs de la forêt. » Motif essentiel, la hantise de la folie obsède l’imaginaire de cette dernière période. L’on songe à des similitudes rimbaldiennes ou encore à des accents proches d’Artaud.
Trois ans plus tard, L’Enfer musical dont le titre n’est pas sans faire écho à Une Saison en enfer, évoque cette exigence à « ne vivre qu’en extase, faisant de mon corps ce corps du poème ». Et avouant qu’il « fallait écrire sans pourquoi, sans pour qui », son œuvre révèle désormais son véritable ancrage. Dans « My Alejandra Pizarnik, le portrait approximatif » imaginé par Liliane Giraudon, l’on mesure bien également la nécessité d’outrepasser la légende noire associée à la poète. Car, à lire et relire ces textes à l’imaginaire saisissant, l’on perçoit leur portée poétique, celle de créer « un espace de lumière à l’intérieur de la lumière ».

Emmanuelle Rodrigues

Œuvres,
Alejandra Pizarnik
Traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Ancet
Avec un portrait d’Alejandra Pizarnik par Liliane Giraudon
Ypsilon éditeur, 368 pages, 20

Pizarnik, les mots de l’extase Par Emmanuelle Rodrigues
Le Matricule des Anges n°234 , juin 2022.
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