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Domaine étranger Apocalypse now

juin 2022 | Le Matricule des Anges n°234 | par Thierry Cecille

Après un coup d’État, des militaires veulent s’emparer d’un « héron de pluie », aux pouvoirs mystérieux : Robbie Arnott nous conduit sur ses traces.

L' Oiseau de pluie

Peut-être faudrait-il inventer pour ce roman un nouveau genre (et sans doute d’autres le rejoindraient-ils alors) : le merveilleux dystopique ou la dystopie merveilleuse. Le lecteur est en effet transporté en des territoires indéfinis – peut-être l’Australie, avec ses paysages si divers, et aujourd’hui si menacés ? – et en une époque indéterminée – un futur plus ou moins proche, un présent déjà advenu mais dont nous n’avons pas encore conscience ? S’y débattent des êtres humains qui, eux aussi, offrent, en comparaison avec nous, de subtiles différences, comme un décalage plus ou moins sensible, comme le bougé ou le flou d’une photographie tremblée. Quant à ce qui s’y passe, s’y joue…
Des images, avant tout, s’imposent, fortes, effrayantes et magiques à la fois, ensorcelées et ensorcelantes. Une femme s’ouvre les veines, sur un bateau de pêche bousculé par les flots, afin de nourrir de son sang un calamar géant : «  son corps violet clair se couvrit tout à tour d’éclaboussures dorées, d’explosions de bleu, de verts éclatants, de rouges tournoyants qui dansaient sur la chair immobile » puis « un épais liquide bleu-noir jaillit d’un endroit proche du bec ». Comme en un échange qui aurait quelque chose de sacré, le calamar offre alors son encre. Une grand-mère conduit sa petite-fille à travers de hautes montagnes, s’engouffre avec elle dans une étroite crevasse cernée de hautes falaises, puis elles parviennent à un lac que domine un arbre unique, « petite chose rabougrie avec des nœuds et des torsades imbriqués dans son tronc et ses branches ». Là se trouve le héron de pluie : « Immense et silencieux, il passait son long bec sur ses ailes céruléennes. De l’eau coulait des plumes à mesure que l’oiseau les lustrait. »
Nous devinons progressivement que des menaces pèsent sur ce monde, que les forces agissantes de cette nature sont sans doute mises à mal : des tempêtes et des inondations ou, à l’inverse, des sécheresses inexplicables se succèdent, un hiver encore jamais vu s’installe dès l’automne. Le port où se pratiquaient la pêche et la transformation de l’encre des calamars est déserté : « la ville mourut un mercredi après-midi ». La petite-fille, devenue adulte, s’est réfugiée dans les montagnes, non loin de l’endroit où elle aperçut jadis le héron mais voilà qu’une troupe de soldats, conduite par une jeune femme, capitaine aux ordres de ceux qui dirigent le pays après un coup d’État, vient lui extorquer son secret. La violence atteint alors celle qui sans doute avait voulu la fuir. La capitaine, elle, parvient à se saisir du héron mais celui-ci lui crève un œil : « Une rivière de sang avait coulé et séché sur sa joue droite, y laissant un sillage rouille écailleux. Au-dessus béait une cavité profonde. L’orbite vide luisait de chair rouge à vif ». S’engage alors, pour elle, ainsi meurtrie, et sa troupe un pénible périple afin d’atteindre le lieu où est attendu le héron, pour on ne sait quelles expériences, dans une sorte de marche lointaine, digne de quelque désert des Tartares
Loin de se limiter à un simpliste roman à thèse écologique, c’est en nous plongeant dans ces confrontations entre des êtres humains déjà défaits, coupables et victimes à la fois, et une nature en voie d’épuisement que Robbie Arnott avertit, lance l’alarme. Contre « la force du mal », contre « le carnage tranquille du monde » qui se pratique depuis des siècles, quel espoir subsiste encore ? « Comme une flèche, le héron de pluie s’est élevé dans les airs pour planer un instant au-dessus de la rivière, avant d’y plonger en piqué. Une vague s’est brisée à l’endroit où il est entré dans l’eau et s’est mise à remonter le courant (…) vague impossible d’eau sauvage remontant vers sa source jusqu’à perte de vue ». 

Thierry Cecille

L’Oiseau de pluie
Robbie Arnott
Traduit de l’anglais (Australie) par Laure Manceau
Gaïa, 271 pages, 22,50

Apocalypse now Par Thierry Cecille
Le Matricule des Anges n°234 , juin 2022.
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