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Domaine étranger Hiérarchie de l’invisibilité

juin 2022 | Le Matricule des Anges n°234 | par Camille Cloarec

Aravind Adiga, l’auteur du Tigre blanc, nous revient avec un roman social, ironique, sur l’exil et l’immigration.

Danny, de son vrai nom Dhananjaya Rajaratnam, vit à Sydney depuis plus de quatre ans. Il a quitté sa ville natale de Batticaloa au Sri Lanka après avoir été torturé par la police, laquelle pensait avoir affaire à un Tigre tamoul. Aussitôt débarqué en Australie, le jeune homme s’est attelé à la laborieuse tâche de s’adapter à son nouvel univers culturel, urbain et linguistique. Après avoir occidentalisé son prénom, il a minutieusement modulé son accent et, après maintes hésitations, laissé libre cours à ses rêves les plus fous (en l’occurrence, afficher des mèches dorées dans sa chevelure ébène). Tout ce cheminement visant à se fondre dans la population locale s’appuie sur les conseils de son livre de chevet, Mes contradictions vous aident à évoluer. Un immigré s’adresse à l’autochtone de Kiran Rao. Cependant, toute immigration s’inscrit dans un système complexe de hiérarchie répondant à un certain nombre de codes. Celle de Danny se situe malheureusement en bas de l’échelle. Faute de moyens, il a rapidement été poussé à abandonner son cursus universitaire et quand son visa étudiant a expiré, il est resté. Ce qui fait de lui, depuis tous ces mois, un travailleur sans-papiers sursautant à la moindre incursion de policiers dans son champ visuel.
Le quotidien de Danny, homme de ménage doté d’un système ingénieux d’aspirateur portable fixé sur son dos, est donc bien différent de celui de ses clients, pour la plupart d’origine étrangère. « Il se produit un bourdonnement, une vibration rétinienne réflexe lorsqu’une personne native de l’Inde, du Pakistan, du Sri Lanka ou du Bangladesh rencontre à Sydney une autre personne originaire de la même partie du monde – une sorte de picotement tribal, une réaction instinctive toujours réciproque, semblable à la reconnaissance entre homosexuels dans une société répressive. » Mais entre les « Indiens Glaçons », lesquels ne transpirent sous aucun prétexte et affichent de jolies lunettes de soleil opaques, ce qui témoigne de leur statut privilégié (nés en Australie de fils de médecins indiens), et les personnes colorées qui marchent dans la rue comme si elle leur appartenait (visa en règle), il y a un monde. Que dire de celui de Danny, qui réside dans une épicerie dont le propriétaire l’exploite, qui passe ses journées à respirer des produits ménagers et ne parvient pas à avouer à sa copine après deux ans de relation son statut juridique ?
À l’aube de la célébration de Guru Purnima (la fête des gourous), son univers est précaire mais plein d’espoir. Hélas, ce fragile état des lieux s’apprête à voler en éclats à la suite d’un mystérieux meurtre d’une ancienne cliente, Radha Thomas. Cette dernière, une prestigieuse fonctionnaire d’origine indienne, entretenait une liaison avec Prakash, un individu loufoque addicte aux jeux qu’elle entretenait. « En colère contre l’Australie, en colère contre l’Inde, en colère contre les Blancs et contre tous les autres, cet homme était un icosaèdre bouillonnant de rage. » Danny doit-il communiquer les informations qu’il possède à la police, au risque de se faire rapatrier sur-le-champ au Sri Lanka ? Le dilemme moral et éthique qui se présente à lui semble insoluble. Aravind Adiga se concentre sur ces vingt-quatre heures où le devoir affronte la frayeur, où les aspirations se mêlent au réalisme le plus cru, où tout s’effondre. Il détaille le racisme australien, les paradoxes de l’immigration, les souffrances de l’exil et la violence sans cesse répétée d’un quotidien subi. « Une chose écrasée attira son attention – rate ou marsupial – et soudain toute la brutalité de ce pays, l’aversion des Blancs, leur usage du papier toilette, la puanteur du brocoli, l’obsession du rugby (qu’il ne fallait jamais appeler rugby) se concentrèrent dans ce rat (ou son équivalent) pulvérisé » Un roman très fin, plein d’empathie, frappant.

Camille Cloarec

Amnistie
Aravind Adiga
Traduit de l’anglais (Inde) par Annick Le Goyat
Éditions du Globe, 272 p., 23 

Hiérarchie de l’invisibilité Par Camille Cloarec
Le Matricule des Anges n°234 , juin 2022.
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