La pièce se déroule dans le cimetière des mots oubliés, ceux qui meurent parce que plus personne ne les utilise. Deux femmes plutôt âgées, Doña Patakès et Weï, doivent les recenser, sous le contrôle du grand « Nain Ternette ». Elles les examinent, les trient avant « d’établir leur certificat de décès et de les ranger aux oubliettes ». Les mots « très très très passés » sont de plus en plus nombreux : lantiponner, tire-lardon, nigauder, paltoquet, jarnicotons… Elles croulent sous le travail.
Dans leur monde, il y a Bénédicte, qui habite dans un livre et qu’elles considèrent comme leur fille. La pièce est un hymne amoureux aux mots. L’auteur s’amuse à jouer avec la langue, un peu comme Jean Tardieu avec ses comédies du langage. Si Bénédicte parle comme un livre, le personnage de Wei déforme constamment la parole : « Je parlouille comme bon ça m’enchante. » Dans sa « languirlande », les mots morts, elle les « inventairmite », elle les « zoosculpte », les « diagnostictac ». Et quand son diagnostic est sans appel : « Bouge pas. Respiraille plus. Le zœil vide. La peau mamate. La syllabe avachie. Cliniquement clamsé. Bref : kapoute », les mots elle les « funéraille ».
Les trois vont être bousculés par l’arrivée intempestive d’un jeune garçon, Tom, qui a déboulé dans ce monde imaginaire suite à un problème informatique. Il utilise un vocabulaire plutôt familier qui va contraster ferme avec les autres personnages. Il parle juste de retrouver sa piaule, son ordi, ses potes et de se « casser » le plus vite possible. La cohabitation va nécessiter quelques explications : « Dans votre langage, se casser signifie donc partir. Dans le mien, cela veut dire se briser » dit Bénédicte. Et c’est forcément avec un mot de passe, anacoluthe, que Tom va pouvoir s’échapper de ce cimetière ou s’éveiller de son rêve. Cette pièce est comme une petite bulle de fantaisie, jouant sur la musique et le plaisir des mots, une fantaisie légère, légère, gélère… à déguster doucettement !
L. Cazaux
Anacoluthe !, de René Zahnd,
Heyoka jeunesse/Actes Sud-Papiers, 80 p., 14 €
Théâtre La ronde des mots
mai 2019 | Le Matricule des Anges n°203
| par
Laurence Cazaux
Un livre
La ronde des mots
Par
Laurence Cazaux
Le Matricule des Anges n°203
, mai 2019.