C’est à la dimension musicale de sa vie que donne corps Pascal Bugeaud, le personnage-narrateur de La Nouvelle Dolores. Bien connu des lecteurs de Millet – on l’a déjà rencontré dans Ma vie parmi les ombres, La Confession négative, La Fiancée libanaise, Une artiste du sexe… –, ce double littéraire de l’auteur tombe, à 60 ans, amoureux d’une cantatrice russe dont le prénom, Nadejda, et la voix le fascinent. « L’émotion que me donnait son chant s’étendait à son visage, ses épaules, ses jambes et à ce que je devinais du corps de cette femme ».
Écrivain notoire et désenchanté qui vit sans exister pleinement, Bugeaud, qui n’aura cessé de chercher dans le corps des femmes la confirmation d’un songe amoureux pour ne jamais trouver que les conditions d’une plus grande solitude, va croire à ce nouvel, et peut-être dernier amour. Un amour qui, de quasi imaginaire, deviendra une passion mais ne trouvera jamais son rythme, et d’autant moins avec la survenue de Dolores, la fille de la diva, arrivant de Californie après le décès de son père. À 16 ans, elle a déjà perdu une innocence « dans laquelle elle n’avait presque pas vécue ». Autour de cette figure de Lolita, à laquelle Bugeaud ne donnera pas l’amour qu’elle demande, comme autour de la déchéance de la cantatrice dans la femme, Richard Millet compose de véritables variations musicales. Tressant les trois motifs qu’on retrouve dans presque tous ses romans – l’amour (avec le désir), le temps (avec la mort et l’éternité), la langue (avec la culture et la littérature), c’est la part innocente de soi qu’il faut sacrifier pour écrire qu’il module, en contrepoint à la musique secrète de l’accord impossible qu’est presque toujours l’amour, ce risque insensé que nous ne pouvons pas ne pas courir.
Richard Blin
La Nouvelle Dolores de Richard Millet
Léo Scheer, 210 pages, 18 €
Domaine français La Nouvelle Dolores
septembre 2017 | Le Matricule des Anges n°186
| par
Richard Blin
Un livre
Par
Richard Blin
Le Matricule des Anges n°186
, septembre 2017.