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Domaine français Fêlures et fractures

mai 2017 | Le Matricule des Anges n°183 | par Thierry Guichard

En une trentaine de nouvelles, Noëlle Revaz déplie le prisme d’une langue sans cesse renouvelée. Et fait le portrait d’êtres fissurés au bord du précipice.

Ce sont parfois de petits laboratoires d’écriture, une manière d’emprunter sur un court trajet les chemins qu’un parti pris de la langue a amorcés. Ce sont parfois des plongées immédiates dans une langue parlée aussi étonnante qu’évocatrice à la mesure de celle déployée dans Rapport aux bêtes, le premier roman de Noëlle Revaz. La mosaïque de textes courts recueillis ici finit toutefois par dresser un tableau pointilliste d’une société malade de son enfermement au cœur d’une nature dont elle s’est séparée. À l’image de ce jeune couple (« À la ferme ») parti quelque jour dans l’étrange univers de la ruralité et qui se livre à une compétition d’écriture poétique sur une nature domestiquée et restreinte. Une société composée d’êtres autistes tenus par quelques règles simples comme ce garçon (« Le Garçon ») si obsédé par la politesse qu’une fois tombé dans une crevasse il rechigne à déranger ceux qui pourraient le sauver. Ou comme cet autre (« Coup de pouce »), élevé par un grand-père qui lui a montré comment tuer les bêtes qui souffrent et qui va appliquer son savoir à son aïeul malade. Ce serait des êtres en souffrance s’ils savaient qu’ils souffrent, mais non, ils font avec leurs trois bouts de raison comme ils peuvent pour que la vie ait un sens si le mot sens peut remplacer celui d’habitudes.
Mais la grande force de Noëlle Revaz ne réside pas tant dans ce qu’elle dit que par la manière avec laquelle elle le dit. On est vite emporté par une langue comme celle du narrateur de « Un écureuil », à la fois sauvage et maladroite, instinctive et poétique : « On a été là-haut dès juillet. On est montés un samedi qu’il faisait chaud, que sont venus le bulletin et la lettre, que Jacquy a dit à ses vieux qu’il aimerait mieux monter, qu’il aimerait mieux chez papi, qu’il aimerait mieux qu’on le lâche. (…) et c’est venu presque l’hiver qu’on a été encore au poêle à se chauffer, et pas l’envie de descendre, sauf cette fois-là en plaine, un tour au supermarché. »
De même l’utilisation du « nous » collectif dans « Discours en trois parties aux amants et aux amoureux transis » et l’adresse à un vous collectif, apportent à un propos au final intime une touche d’humour comme une forme pathétique d’obéissance à l’ordre des choses : « Si nous gloussons, c’est parce que vos barbes nous piquent. Nous n’aimons pas que vous caressiez si délicieusement nos épaules. Nous ne voulons pas adorer cette incroyable douceur de vos langues. Vos mots divins sur nous n’ont aucune incidence. Il n’est pas vrai que nous en soyons complètement retournées. »
C’est comme si chaque texte était un écart hors des sentiers battus de la narration, une manière de prendre un angle inattendu pour observer le monde, les sentiments, les désirs, la misère intellectuelle ou l’énergie primaire et bestiale. Noëlle Revaz explore des langues neuves autant qu’elle expérimente des points de vue originaux. Comme dans la nouvelle presque inquiétante « Dans la ville » où un « on » observe une jeune femme de derrière les rideaux des maisons, nourrit la rumeur qui grandit jusqu’à ce qu’abattue l’étrangère reparte. On est ici dans une démarche qui fait penser à La Vie mode d’emploi, mais avec une atmosphère oppressante (la Suisse aujourd’hui ?) qui suinte de la narration. On est en tout cas dans l’impérieuse nécessité d’inventer, sans cesse, un dire.
Le conte éponyme (« Hermine blanche ») montre une jeune fille sensible et imaginative, se perdre peu à peu dans ses pensées jusqu’à y disparaître. Si la sensibilité et l’imagination sont deux formes de monstruosité aux yeux du monde, le texte conclut qu’elles sont aussi le plus sûr chemin vers le bonheur. Le nôtre, au moins.

Thierry Guichard

Hermine blanche et autres nouvelles,
de Noëlle Revaz
Gallimard, 273 pages, 18

Fêlures et fractures Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°183 , mai 2017.
LMDA papier n°183
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