Offrir aux enfants à regarder des images pour y voir autre chose que ce qu’elles donnent à voir est l’ambition réussie de ce bel album hautement coloré de l’écrivain et poète Germano Zullo et de l’illustratrice Albertine.
À la mer incite à regarder loin dans l’image, jusque dans ce qu’elle ne montre pas, ni ne suggère, jusque dans l’invisible, dirait-on, (sur chaque double page, les mêmes personnages mis en situation dans des lieux différents), se moquant en quelque sorte de l’aspect lisse et glacé de cet objet cartonné que l’on aurait vite fait d’associer à un simple livre-jeu. À la mer invite le lecteur à aller « voir » ailleurs, dans l’entre-temps où il tourne la page, dans ce que son imagination peut lui offrir pour se raconter les histoires de vingt-deux personnages en villégiature, apparemment en quête de quelque chose.
Aller À la mer, c’est accepter de se perdre dans la composition de la page (un peu comme perdre le Nord) ; c’est acquiescer à l’illogisme, au lâcher prise, c’est se laisser submerger par l’inattendu, l’incongru ; c’est accepter le flottement, c’est se mettre soi-même en vacance.
L’album revêt toute sa dimension poétique et humoristique dans ces désordres et dans la multiplication des interprétations possibles. Le texte de Germano Zullo, par sa remarquable brièveté et son éclatement dans la page (par exemple, une femme qui appelle « Lulu » à chaque page ou encore un enfant lisant des livres aux titres éloquents : Le mystère des profondeurs, Le mystère de la suite royale…), renforce la narration elliptique et contribue à souligner l’atmosphère décalée induite par les illustrations délicates et non moins extravagantes.
À la mer de Germano Zullo et Albertine
La Joie de lire, n.p., 13,90 €
Jeunesse Chacun cherche son chat
juin 2008 | Le Matricule des Anges n°94
| par
Malika Person
Un livre
Chacun cherche son chat
Par
Malika Person
Le Matricule des Anges n°94
, juin 2008.