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Courrier du lecteur La preuve par huit

juillet 2006 | Le Matricule des Anges n°75 | par Thierry Guichard

Publié il y a treize ans aux États-Unis, « Surfiction » est un essai réjouissant. Clair et incitatif, il donne les bases d’une réflexion en mouvement.

Constitué de huit textes vifs, Surfiction traverse une bonne partie de la littérature de création (« le roman expérimental ») des années 60 à aujourd’hui plus particulièrement aux U.S.A. Raymond Federman sait de quoi il parle, puisqu’il fut un des premiers de sa génération avec Quitte ou double (1971) à révolutionner le roman (dans la lignée de Cervantès, Sterne ou Joyce). Le bonhomme n’hésite d’ailleurs pas à se citer lui-même…
Le texte inaugural est un « manifeste postmoderne » : écrit en 1973, ce texte programmatique n’a pas pris une ride, si ce n’est, peut-être, dans l’utopique part que l’auteur voudrait voir jouer au lecteur. L’œuvre collective, telle qu’évoquée ici, sent bon les années idéologiques que l’individualisme a mises à mal. Répondant à ceux qui annoncent la fin du roman quand celui-ci n’est pas seulement commercial (on entend encore en France ces vieilles sirènes), Federman déterre la hache de guerre et part en croisade : « la seule fiction qui soit encore valable maintenant est celle qui tente d’explorer les possibilités de la fiction au-delà de ses propres limites ; celle qui lance perpétuellement un défi à la tradition qui la domine (…) Je donne à cette forme d’écriture le nom de SURFICTION, non pas parce qu’elle imite la réalité mais parce qu’elle étale au grand jour l’aspect fictif de la réalité. » L’homme continue, en avant et droit : « Écrire, c’est donc PRODUIRE du sens et non pas REPRODUIRE un sens préexistant à l’écriture. » Les quatre propositions que l’auteur fait ensuite pourraient assez bien caractériser l’avant-garde des années 70 : on travaille le « médium », soit le livre, dans sa maquette, son format, sa typo, on désaxe la syntaxe, on décloisonne les champs possibles de la fiction, on accepte l’incohérence : « Puisque le sens ne préexiste pas au langage, qu’il est produit au cours de l’écriture et de la lecture, la surfiction n’aura aucune prétention à la signification, à la vérité, au réalisme a priori. »
« La Fiction de non-connaissance » est écrit cinq ans plus tard. Soit quatre ans après la création, avec Ronald Sukenik, de sa maison d’édition Fiction Collective. Son armée compte quelques valeureux francs-tireurs. Pour ces auteurs-là « le monde n’est plus à connaître ou à expliquer. Il est là pour qu’on en fasse l’expérience. » L’écriture est aventure.
Plus on avance dans l’essai, d’une très grande lisibilité, plus l’écrivain nous donne des titres et des auteurs qu’on aurait envie de lire illico presto. « La Fiction autoréflexive ou comment s’en débarrasser » apporte une dimension historique et politique au propos. D’après Federman, les années 50 aux États-Unis furent celles de la confiance et cette confiance s’incarnait dans l’image et le message du président Kennedy qui « s’offraient comme la défense du discours rationnel » ; « lorsque Kennedy souriait, cela voulait dire qu’il était heureux, et l’Amérique était heureuse. » À ce bonheur consumériste et sans ambiguïté, correspond la littérature fustigée par Federman (littérature sans « équivoque morale ou sociale »). L’assassinat de JFK va tout changer : « Soudain, tout cesse d’être clair. Soudain les Américains doutent de la réalité des événements » et Federman d’inverser le diagnostic : ce n’est pas la fiction qui est moribonde, c’est la réalité. On n’en finirait pas de paraphraser Federman : Surfiction est le livre d’un écrivain, universitaire sans jargon (lire les dialogues où il met en scène ses collègues), atypique, clairvoyant et libre. C’est un livre indispensable pour qui veut écrire.

Surfiction
Raymond Federman
Traduit de l’américain par Nicole Mallet
Le Mot et le reste
203 pages, 16

La preuve par huit Par Thierry Guichard
Le Matricule des Anges n°75 , juillet 2006.
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