Ce sont deux tons, opposés sans pour autant s’exclure, qui sous-tendent Une Erreur de la nature : celui de la confidence, et celui, moins chuchoté, de la résistance. Les premières phrases placent cet essai sous le patronage du « je », inscrivent l’illisibilité au cœur d’une problématique personnelle, non plus réductible au désir polémique qui embrasait Ceux qui MerdRent, mais portée par une voix plus sage, et comme désireuse de céder à la confidence. Christian Prigent paraît déposer ici, dans l’écrin de cette littérature qu’il aime à visiter -Ducasse, Rimbaud, Artaud-, quelques-uns de ses plaisirs et de ses secrets : son appartenance à la compagnie des écrivains difficiles, et son rêve de pouvoir s’affranchir un jour de la pratique de l’écriture -ce fameux renoncement si cher à Blanchot. Une confession qui ne se départit pas d’une certaine volonté d’en découdre avec soi-même aussi bien qu’avec les autres, et d’expliquer, en saluant Raymond Roussel, comment il a écrit certains de ses livres, comment il a commis certaines erreurs, et donné de mauvais conseils (deux titres de l’ultime chapitre).
Mais à côté de cette manière douce, on oserait même dire tendre, s’élève la voix du combattant, du résistant qui entend continuer à dire « non à l’horriblement fadasse poésie subjective » et à écrire « contre ce qui nous voue à la stupidité meurtrière du monde ». Une nouvelle démonstration de résistance qui ne sera pas la dernière puisque résister « est toujours, est plus que jamais, à l’ordre du jour ».
Une Erreur de la nature, P.OL., 223 pages, 140 FF
À quoi bon encore des poètes ?, P.O.L., 52 pages, 49 FF
Domaine français Mezza voce
juin 1996 | Le Matricule des Anges n°16
| par
Didier Garcia
Des livres
Mezza voce
Par
Didier Garcia
Le Matricule des Anges n°16
, juin 1996.