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Le curé et son double
Lmda N°252 En donnant une suite à son prodigieux Rabalaïre, Alain Guiraudie confirme qu’il n’est pas seulement un cinéaste qui écrit, mais un romancier hors pair. Impossible d’aborder ce troisième roman d’Alain Guiraudie sans parler du deuxième, puisque Pour les siècles des siècles en est le prolongement direct, au point que le volume s’ouvre sur un résumé des épisodes précédents. Or, des épisodes, dans Rabalaïre, paru en 2021, un tour de force narratif s’étendant sur plus de mille pages, il y en avait, et pas qu’un peu. Roman de péripéties qui nous...
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Domaine étranger Défaire le temps Roman élastique sur l’enfance et l’oubli, Mon sous-marin jaune de Jón Kalman Stefánsson est un accordéon autobiographique qui s’étire depuis nos jours jusqu’aux années 1970 en Islande. Un jour de l’été 2022, si proche de celui de notre lecture, un narrateur identique à Jón Kalman Stefánsson se retrouve, dans un parc londonien, face à un fantôme de son enfance : Paul McCartney. Et « les vagues du passé » de tomber sur l’écrivain assis et de le ballotter le temps d’un roman entre ce point de départ et les années 1970 en Islande. Le petit garçon a 7 ans lorsqu’il apprend, au détour d’une phrase, que sa mère est morte. Il vit...
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Domaine français Une histoire française Le premier roman de Lolita Sene, un été chez jida, renoue avec ses racines kabyles, une Histoire douloureuse et l’indicible violence faite à une enfant. L’écriture comme un baume. Elle est aujourd’hui vigneronne, produit des vins subtils et joyeux auxquels elle donne parfois un nom venu de l’enfance comme à son cinsault de soif, Couscous. Et peut-être a-t-elle appris en soignant avec de la valériane les vignes blessées par la grêle, qu’on peut appliquer sur les blessures de quoi cicatriser les plaies et renforcer les corps. Un été chez Jida est un roman qui soigne, où les mots viennent de loin, sont posés sur la page...
Chronique
En grande surface
En grande surface
par Pierre Mondot
I want Ubac
Au mois de novembre dernier, un sénateur issu du centre décomplexé verse en catimini quelques grammes d’ecstasy dans la coupe de champagne d’une amie députée avec l’espoir qu’elle se mélange les chambres. La manœuvre échoue et la dame porte plainte. Afin de justifier le geste de son client, l’avocat propose une circonstance atténuante : la veille des faits, son vieux chat venait de mourir. Presque la réponse d’Agnès à Arnolphe dans L’École des femmes. Pour le même effet : hilarité générale.
Le pays n’est pas prêt à considérer le deuil des animaux de compagnie. Le chien trépasse et la...
Le Matricule des Anges n°250
un auteur
Martin Rueff
Chronique
Traduction
Traduction
Arnaud Bikard *
Le Chevalier Paris et la Princesse Vienne d’Élia Lévita
Rien ne me destinait a priori à traduire un roman de chevalerie, et sans doute encore moins un roman de chevalerie yiddish. Arthur, Charlemagne, le merveilleux, les inimitiés et alliances des familles seigneuriales n’ont pas exercé de charme particulier sur mon enfance. On a bien dû me dire, avant l’âge adulte, que mes grands-parents maternels connaissaient le yiddish (bien que, ne les ayant jamais entendus parler que le français, il m’est arrivé d’en douter) mais cette langue, associée dans mon imaginaire au judaïsme orthodoxe, à la grisaille polonaise, aux disparus de la Seconde Guerre...
Le Matricule des Anges n°248
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Domaine étranger Au fin fond des bois Là où la terre se fond dans les eaux, écoutons la voix des Filles du chasseur d’ours s’élever, hurler, maudire, dans un roman sauvage. On y rencontre une forêt, l’ombre de l’ours, une chaumière abandonnée, sept filles à l’allure et au parfum d’ogresse, des trésors enterrés, une ville sous la neige, une narratrice comme une bonne fée. Et pourtant, Les Filles du chasseur d’ours n’a du conte que l’apparence, et tient les fées, bonnes ou mauvaises, très à distance. Ne serait-ce que par cette odeur qui se dégage de la troupe agitée des filles sauvageonnes et qui envahit chaque...
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Poésie Une parole qui fait corps avec l'invisible Quand il n’explore pas la matérialité d’Une parole sauvage, Monchoachi hisse jusqu’à la joie du contre-chant une poésie qui célèbre l’éclat, le mystère et l’épiphanie d’une présence qui rend sensible l’insaisissable. Souple, orageuse, ondoyante, magnifiquement sonore, elle danse avec le monde la parole que déploie Monchoachi, pseudonyme d’un poète martiniquais qui, dans le sillage de Césaire et Saint-John Perse, donne à lire et à entendre l’une des voix les plus originales de la Caraïbe. Portée par une langue elliptique et mêlée, elle réveille les sens, subvertit les apparences, fait descendre les mystères dans la bouche. Lémisté (Les Mystères) est...
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Poches Les replis de l'exil Le philosophe Günther Anders éclaire en un court essai écrit en 1962 ce que l’émigration veut dire. Cet essai commence par une impossibilité de dire. À un interlocuteur, imaginaire ou non, qui lui demande de « raconter sa vie », Günther Anders, né en 1902, répond : « Je ne puis me souvenir. Les émigrés en sont incapables. » Et de préciser plus loin que sa vie, comme celle d’autres qui ont dû fuir l’Allemagne nazie puis l’Europe, est justement « irrésistiblement disloquée en plusieurs vies distinctes » oublieuses les unes des autres....
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Théâtre Le chant de l'humanité La nouvelle pièce de Laurent Gaudé est dédiée « A toutes celles et ceux qui ne se résolvent pas à ce que la vie soit si courte ». Laurent Gaudé nous livre une belle pièce chorale à partir d’une situation posée, qui résonne singulièrement à notre époque de réchauffement climatique et de guerres : que se passerait-il si une fin du monde proche nous était annoncée ? Le texte s’ouvre sur une succession de monologues : monologue de la première fissure. Monologue du premier bruit. Monologue du temps coupé en deux. Monologue de la danse : « Au petit matin, dans le ciel de...
Égarés, oubliés
par Éric Dussert
Billets du front
Journaliste de premier plan, Emmanuel Bourcier milita pour la double cause des écrivains morts à la guerre et celle des écrivains survivants.
Emmanuel Bourcier appartient à la génération de journalistes qui a vu paraître les premiers magazines. Ceux-ci, inspirés de la nouvelle presse anglo-saxonne, permettaient à une France avide de nouveautés de découvrir une nouvelle manière de maquetter les pages, soutenue par un usage allègre et parfois mal maîtrisé de la photographie et des à-plats d’encre inspirés des suprématistes russes.
Emmanuel Bourcier était une figure-clé de la vie culturelle de cette époque, l’entre-deux-guerres, au même titre qu’Édouard Helsey, Hugues Le Roux, Paul Ginisty, Henri Béraud, Albert Londres, Joseph...
Le Matricule des Anges n°142