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Le curé et son double
Lmda N°252 En donnant une suite à son prodigieux Rabalaïre, Alain Guiraudie confirme qu’il n’est pas seulement un cinéaste qui écrit, mais un romancier hors pair. Impossible d’aborder ce troisième roman d’Alain Guiraudie sans parler du deuxième, puisque Pour les siècles des siècles en est le prolongement direct, au point que le volume s’ouvre sur un résumé des épisodes précédents. Or, des épisodes, dans Rabalaïre, paru en 2021, un tour de force narratif s’étendant sur plus de mille pages, il y en avait, et pas qu’un peu. Roman de péripéties qui nous...
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Domaine étranger Pavane pour un pays défunt En une fresque ambitieuse et savamment construite, Regina Scheer ressuscite, de la Seconde Guerre mondiale aux années 2000, la RDA et certains de ceux qui y vécurent, jusqu’à la fin. Peut-être vous est-il arrivé, à la lecture, par exemple, de Guerre et Paix ou des Frères Karamazov, de ressentir l’utilité de dresser une liste des personnages ou un arbre généalogique, pour vous y retrouver ? Regina Scheer, à la suite des 385 pages de ce roman, s’en charge pour nous : elle nous présente « Les protagonistes », soit la douzaine de personnages principaux qui s’y croisent (nous en rencontrerons d’autres, bien sûr, plus...
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Domaine français L'amour vache Dans un premier roman enlevé, à la fois cruel et émouvant, Magyd Cherfi raconte une métamorphose singulière, celle d’une mère. Dans notre imaginaire, parmi d’autres clichés, trône l’image de la mère méditerranéenne, juive ou arabe, une Marthe Villalonga envahissante mais farouchement aimante, dévouée à sa famille nombreuse, génitrice fière de sa portée, aussi savante en larmes pathétiques qu’en youyous triomphants. Celle qu’ici nous allons rencontrer s’écarte, dès l’abord, de ce modèle. Taos est une veuve recluse dans sa solitude et ses douleurs : ses deux filles et...
Chronique
En grande surface
En grande surface
par Pierre Mondot
Drôle d’Œdipe
On attendait l’automne pour savourer le dernier Modiano en sa bruine mais alerte, voici que soudain les sirènes de l’édition retentissent au signal d’une intrusion : un inconnu de 25 ans a vendu en deux mois ses confessions cent mille fois. La presse repère dans ce succès aussi rapide qu’imprévisible les signes d’un véritable phénomène de société. Sans surprise, le Matricule exige une enquête. Patrick attendra.
Mais ça alors quel hasard et que le monde est mince puisque Panayotis Pascot (le phénomène observé) accéda à la notoriété par la même rampe que Lilia Hassaine, commentée dans...
Le Matricule des Anges n°248
un auteur
Martin Rueff
Chronique
Traduction
Traduction
Arnaud Bikard *
Le Chevalier Paris et la Princesse Vienne d’Élia Lévita
Rien ne me destinait a priori à traduire un roman de chevalerie, et sans doute encore moins un roman de chevalerie yiddish. Arthur, Charlemagne, le merveilleux, les inimitiés et alliances des familles seigneuriales n’ont pas exercé de charme particulier sur mon enfance. On a bien dû me dire, avant l’âge adulte, que mes grands-parents maternels connaissaient le yiddish (bien que, ne les ayant jamais entendus parler que le français, il m’est arrivé d’en douter) mais cette langue, associée dans mon imaginaire au judaïsme orthodoxe, à la grisaille polonaise, aux disparus de la Seconde Guerre...
Le Matricule des Anges n°248
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Domaine étranger Les dépossédés d'Élias Khoury Dans un puissant roman d’apprentissage, l’écrivain libanais explore ce paradoxe douloureux : être exilé dans son propre pays. Nous ne connaissons que quelques bribes des histoires racontées, chaque histoire porte en elle des secrets et comporte de multiples facettes et, malgré de nombreuses tentatives, les romanciers demeurent incapables de la raconter de manière exhaustive ». Nul doute qu’Élias Khoury partage ce diagnostic, qu’il attribue à son narrateur, mais ce n’est pas là un constat d’échec, plutôt un défi à relever. Il lui faut donc près de 400 pages pour...
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Poésie Chemins d'inconnaissance Entre songe et audace, souvenirs et solitude, une voix se cherche et s’égare. Au plus près de la terre et de l’élémentaire. En poésie, ressentir cet émoi un peu désorientant qui signe l’éclosion d’une voix nouvelle, est rare. C’est pourtant ce qui se passe à la lecture du premier recueil d’Emmanuelle Grandjean, Les Terres sans sommeil, un titre dont le halo de songes et de sortilèges annonce de l’âpre et de l’indompté en même temps qu’il parle au corps sauvage. Articulé en cinq parties – Les brumes, les combes ; Les corps, les plaines ; Les amers, les landes ;...
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Poches Quand Ogoun ferraille Réédition du troisième roman de l’écrivaine haïtienne Marie Vieux-Chauvet, plaçant une femme à la tête d’un processus de libération. Il y a dans l’histoire d’Haïti, quelque chose du fatum, du drame antique, de la tragédie grecque. Comme si son peuple n’en finissait pas d’être essoré dans la machine à laver les siècles dont le seul programme serait l’éternel retour de la catastrophe climatique, de l’esclavage, de la tyrannie… Il déploie pourtant une énergie vitale incommensurable que l’on retrouve dans ses arts, ses chants, sa littérature, qui le voue néanmoins au...
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Théâtre Un opéra tout neuf L’œuvre culte de Bertolt Brecht, nouvellement traduite, bénéficie d’un remarquable travail éditorial. L’Arche, la maison d’édition qui veille historiquement sur les œuvres de Bertolt Brecht, poursuit avec constance et intelligence son travail autour des textes du grand dramaturge allemand. Après avoir publié en romans graphiques Histoires de monsieur Keuner et La Résistible Ascension d’Arturo Ui, elle entreprend cette fois de nous faire redécouvrir son œuvre la plus célèbre, L’opéra de quat’sous à travers une très belle édition critique. En...
Intemporels
par Didier Garcia
Le nom du père
Avec Les Locataires de l’été, l’Américain Charles Simmons (1924-2017) signe un récit bouleversant, qui est surtout un adieu à l’enfance.
C’est pendant l’été de 1968 que je tombai amoureux et que mon père se noya. » Un tel incipit laisse peu de suspense au lecteur. Le seul élément que cette phrase liminaire ne présente pas, c’est le cadre spatio-temporel du récit, à savoir une presqu’île située quelque part aux États-Unis, ouverte d’un côté sur l’océan, de l’autre sur une baie, une maison familiale plantée au bord de la mer (« d’un vert transparent à proximité du rivage, bleu sombre vers le large »), et un ciel « d’un bleu profond, sans le moindre nuage ». En apparence, un cadre idéal pour accueillir une histoire d’amour le...
Le Matricule des Anges n°225