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Le curé et son double
Lmda N°252 En donnant une suite à son prodigieux Rabalaïre, Alain Guiraudie confirme qu’il n’est pas seulement un cinéaste qui écrit, mais un romancier hors pair. Impossible d’aborder ce troisième roman d’Alain Guiraudie sans parler du deuxième, puisque Pour les siècles des siècles en est le prolongement direct, au point que le volume s’ouvre sur un résumé des épisodes précédents. Or, des épisodes, dans Rabalaïre, paru en 2021, un tour de force narratif s’étendant sur plus de mille pages, il y en avait, et pas qu’un peu. Roman de péripéties qui nous...
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Domaine étranger Défaire le temps Roman élastique sur l’enfance et l’oubli, Mon sous-marin jaune de Jón Kalman Stefánsson est un accordéon autobiographique qui s’étire depuis nos jours jusqu’aux années 1970 en Islande. Un jour de l’été 2022, si proche de celui de notre lecture, un narrateur identique à Jón Kalman Stefánsson se retrouve, dans un parc londonien, face à un fantôme de son enfance : Paul McCartney. Et « les vagues du passé » de tomber sur l’écrivain assis et de le ballotter le temps d’un roman entre ce point de départ et les années 1970 en Islande. Le petit garçon a 7 ans lorsqu’il apprend, au détour d’une phrase, que sa mère est morte. Il vit...
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Domaine français Le salut aux ombres Joseph Bialot (1923-2012) écrit son récit du camp et de l’impossible deuil du camp. Un grand livre d’Auschwitz. L’ancien résistant Joseph Bialot, né Joseph Bialobroda à Varsovie, a déjà 55 ans à la sortie de son premier polar, et c’est à 78 ans qu’il témoigne d’Auschwitz. Il aura été en panne un quart de siècle, la tête encore dans le camp. Et puis, à quoi bon ? « On ne compte plus les récits sur la déportation. Ils se sont accumulés. En vain. Tout le monde écoute, personne n’entend. » Pourquoi en rajouter si « Auschwitz ne peut pas être “mis en...
Chronique
En grande surface
En grande surface
par Pierre Mondot
Drôle d’Œdipe
On attendait l’automne pour savourer le dernier Modiano en sa bruine mais alerte, voici que soudain les sirènes de l’édition retentissent au signal d’une intrusion : un inconnu de 25 ans a vendu en deux mois ses confessions cent mille fois. La presse repère dans ce succès aussi rapide qu’imprévisible les signes d’un véritable phénomène de société. Sans surprise, le Matricule exige une enquête. Patrick attendra.
Mais ça alors quel hasard et que le monde est mince puisque Panayotis Pascot (le phénomène observé) accéda à la notoriété par la même rampe que Lilia Hassaine, commentée dans...
Le Matricule des Anges n°248
un auteur
Martin Rueff
Chronique
Traduction
Traduction
Carole Fily*
Un zèbre dans la guerre de Vladimir Vertlib
Comment traduire en français un roman allemand écrit par un Russe ? C’est toujours la question que je me pose avant de commencer un texte de Vladimir Vertlib1 ; j’ai encore dans l’oreille ces mots que m’avait glissés l’éditrice en me confiant la traduction de son premier roman : « Vertlib écrit en allemand, mais c’est avant tout un conteur russe. Alors écrivez du russe. » Si L’Étrange Mémoire de Rosa Masur a souvent été qualifié de « roman russe », du fait, entre autres, que l’intrigue se déroule en Russie, cette dernière, bien que jamais nommée, est également très présente dans son...
Le Matricule des Anges n°250
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Domaine étranger Paix et guerres Un adolescent sensible dans la Yougoslavie de Tito : une éducation sentimentale et politique par le Slovène Drago Jančar. Une fois n’est pas coutume, et sans pour autant rien divulguer d’essentiel, commençons par la fin, le dernier paragraphe : « Quand il prononce ces mots, quand je l’entends murmurer ces mots, il a moins peur, quand j’écris ces mots, j’ai un peu moins peur. Car c’est écrit, c’est le texte, c’est le verbe. Car rien d’autre n’est possible, il n’y a rien hors du verbe, rien sans lui. Danijel sait que c’est ainsi au début comme à la fin, ça ne...
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Poésie Le William Blake des plages De la mer comme « temps liquide » aux nouvelles Amériques promises par l’espace galactique, où est la frontière entre image et réalité ? Jacques Darras, chevauchant vers et prose, s’est lancé à sa recherche. Porté par une respiration d’espaces et de siècles, un mouvement d’expansion anime le nouveau livre de Jacques Darras. Divisé en deux parties, « La mer en hiver sur les côtes de la Manche » écrite en vers libres, et « L’imagination et le pur vertige d’exister », en prose, il traite de la vie à travers notre relation à l’espace-temps et aux images de la « réalité ». Tout commence avec la mer, « sa respiration palpable, palpitante d’Infini »...
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Poches La grande manœuvre à lunettes La philosophe Simone Weil témoigne de l’usine : sa violence, ses douleurs et ses joies. Un « mystère », et un grand livre. En décembre 1934, la jeune agrégée de philo Simone Weil se fait embaucher dans une usine comme « manœuvre sur la machine ». Pour comprendre et partager les « souffrances des ouvriers ». Dans une lettre d’avril 1935 que cite dans sa préface Thomas Dommange, elle note : « Cette expérience, qui correspond par bien des côtés à ce que j’en attendais, en diffère quand même par un abîme : c’est la réalité, non plus l’imagination ». Elle...
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Théâtre Piscine du dernier étage Comment colorier en bleu la grisaille du quotidien, par Clémence Attar. Sous-titrée « Les bruits sourds des grands ensembles », la pièce de Clémence Attar nous transporte dans une cité aux immeubles baptisés de noms de fleurs : Les Hibiscus, Les Magnolias, Les Cerisiers. Mais d’arbres il n’y a que les noms. C’est l’été, il fait très chaud. Caniculaire. Au café Magno, les anciens, les darons, discutent foot, météo, travaux et mots croisés. Évoquent quelques faits divers. La routine, un peu désespérante, de ceux...
Égarés, oubliés
par Éric Dussert
Les orages de l’âme
Admiratrice du Moine de Lewis et patricienne du roman gothique, Charlotte Dacre imagina un type d’héroïne coupant comme un rasoir.
On se doutait à la lecture du livre de référence de Maurice Lévy sur Le Roman gothique anglais, 1764-1824 (Albin Michel, 1995) qu’il restait à découvrir sur ces terres embrumées, froides et isolées quelques perles restées en jachère faute d’un intérêt éditorial soutenu. On peut le comprendre : le rythme narratif en usage à cette époque du roman n’est plus ce qui correspond au train de la vie aujourd’hui – et le saucissonnage standardisé des feuilletons télévisés, aussi réputés soient-ils, est loin de pouvoir rappeler le montage des suspens de cette époque tout juste issue des massacres...
Le Matricule des Anges n°164